Des héroïnes troubles
Depuis Alfred Hitchcock, on n’a jamais vu un cinéaste aussi fasciné que Lynch par la psyché féminine. Qu’il n’a de cesse de démultiplier, du gynécée adolescent de TWIN PEAKS aux héroïnes de LOST HIGHWAY et MULHOLLAND DRIVE, qu’il fait blondes puis brunes pour montrer leurs faces lumineuses et obscures.
Des monstres
Depuis ERASERHEAD et ELEPHANT MAN, on sait que Lynch est obsédé par les freaks. Ils lui permettent de redéfinir la notion de monstruosité, pour en faire l’apanage des êtres soi-disant normaux. Les films de ce réalisateur ne racontent-ils pas tous comment le mal finit toujours par pervertir l’innocence ?
Des anges
S’ils triturent tous la notion de Bien et de Mal, les films de David Lynch croient-ils en Dieu ? Des apparitions célestes auréolées de lumière peuvent laisser penser que oui : une fée dans SAILOR ET LULA, mais surtout un ange béatifiant Laura Palmer à la toute fin de TWIN PEAKS, FIRE WALKS WITH ME.
Des mondes parallèles
Plusieurs mondes habitent les films de Lynch. Dès que l’on passe une porte, on entre dans un ailleurs, fonctionnant selon ses propres règles : la banlieue de BLUE VELVET, l’hôtel de LOST HIGHWAY, la galaxie de DUNE ou le club Silencio de MULHOLLAND DRIVE sont tous des passages vers d’autres dimensions.
Des éclats de violence
Sans la violence, les films de Lynch ne seraient que d’inquiétants contes de fées. Des fulgurances gore les rapprochent de la réalité des spectateurs. Même dans un long plus « normal » comme UNE HISTOIRE VRAIE, Lynch n’oublie jamais ce lien viscéral avec son public (cf. la scène d’accident avec le cerf).
Mad Movies. Janvier 2007
« Une histoire de mystère. Au cœur de ce mystère, une femme amoureuse et en pleine tourmente. » C'est le résumé que fait Lynch de son film.
Il aurait tout aussi bien pu mettre : " Au coeur d'une femme amoureuse, le mystère d'une histoire tourmentée". ou encore " La mystérieuse tourmente d'un coeur plein de femmes historiques", etc. Bref, depuis quelques films, tout le monde sait que le "cinéma de Lynch" se résume grosso modo à un trousseau de clés "mystère" "femme" "double" "cerveau labyrinthe", etc. et que ça fait longtemps que "l'impressionnant David" ne perd plus de temps à écrire un scénario.
Qu'il suffit simplement de secouer ces "si étranges clés" pour en faire ressortir chaque fois un "arrangement mathématique" sensé être neuf. C'est pas compliqué du tout. Et ça peut être très joli ma foi. Le hasard est une aide précieuse en ces temps normatifs.
A partir de là, de deux choses l'une : Soit vous avez écrit une thèse sur Bettelheim (psychanalyse des contes de fées), suivie d'études approfondies de Deleuze, Freud, Merlau-Ponty (phénoménologie de la perception) et vous faites comme les Cahiers du Cinémâââ, vous êtes proprement saisis par "tant de génie", vous estimez qu'à ce niveau de sublime, l'oeuvre dépasse de loin son créateur, etc, etc... (par ailleurs, comme vous êtes aussi un pote de Mac Luhan et que vous savez que "the medium IS the message", vous êtes totalement guéri d'avoir été influencé par le fait que ce film était DE Lynch, de savoir qu'on ne voit que CE QU'ON COMPTE voir)
Soit, vous êtes juste un pauvre individu à peu près normal (98% de la population, quand même) et vous vous demandez ce que vous foutez là, assis dans un cinema pendant près de trois heures, au lieu d'aller vous promener dans les bois (ou sur le web), à essayer d'entr'apercevoir l'once d'un début de commencement d'histoire dans ce maelström d'images sonores et aléatoires.
Pour ma part, comme je suis un individu quantique, j'aime j'aime pas, je suis là et je ne suis pas là, je confie simplement mon avis au jugement du temps. Le meilleur juge. Et je verrai ce qui me restera de ce dernier opus lynchien dans une quinzaine de jours. Mais j'ai bien peur que faute d'avoir été marqué au fer du sens, tout soumis que je serai à des milliers d'images liquides d'ici là, il n'en subsiste quasiment rien. Si, l'émotion d'un regard de belle polonaise. Peut-être. Et deux accords de musique. Ça fait quand même pas bézef.
Une chose est certaine en tout cas : Lynch sait filmer les portes. Il y a pas loin d'une centaine de plans de portes, de poignées de portes, de serrures, dans ce film... Les portes de la perception sans doute.
Rédigé par : OVERLIFE | 07 février 2007 à 17:05